- FROIDS (CLIMATS)
- FROIDS (CLIMATS)Une partie étendue de la zone comprise entre les 40e et 65e degrés de latitude, à l’intérieur et dans la partie orientale des continents de l’hémisphère Nord, est caractérisée par un trait essentiel, les basses températures de l’hiver.Les climats froids ainsi définis doivent être distingués non seulement des climats tempérés océaniques voisins, mais encore des climats des régions dites «froides» (cf. domaine ARIDE, domaine GLACIAIRE, MONTAGNE, domaine PÉRIGLACIAIRE).En particulier, le contraste entre l’été et l’hiver est très important, si bien que les saisons intermédiaires sont courtes et présentent des variations rapides de la température et des précipitations.Sur les marges du domaine, où ce caractère s’atténue, d’importantes concentrations humaines sont présentes, notamment en Russie, aux États-Unis, au Canada.1. Difficultés d’une désignationLes «climats froids», faute d’une meilleure expression, sont caractérisés par une association d’un hiver marqué, dont l’existence représente la différence essentielle avec les climats tempérés océaniques, et d’un été relativement chaud et pluvieux. La chaleur estivale oppose ces climats à ceux des régions arctiques et subarctiques, où le froid est toujours présent. L’importance des pluies d’été oppose ce domaine à celui des climats arides froids, dont l’hiver est souvent aussi marqué, mais dont l’été est sec.Comme tous les climats contrastés, les climats froids sont assez difficiles à nommer de façon satisfaisante. Le froid de l’hiver étant leur caractère essentiel, il est légitime de le souligner en employant l’expression de climats froids, qui paraît plus simple que celle de climats microthermiques, employée dans la classification de W. Köppen. Le domaine décrit ici est souvent désigné sous le nom de régions à climat continental. S’il est vrai que l’opposition vigoureuse entre l’été et l’hiver est un trait lié à l’existence de grandes masses continentales, cette notion est sans doute trop vague: les régions arides froides du centre de l’Eurasie et les déserts chauds, comme le Sahara, sont également marqués par une très forte «continentalité». Aussi cette expression a-t-elle été écartée.Les limites adoptées sur la carte mondiale des climats [cf. CLIMATOLOGIE] comportent nécessairement un certain degré d’arbitraire. À la suite de Köppen, on y inclura dans l’ensemble toutes les régions où le mois le plus froid a une température moyenne inférieure à 漣 3 0C, et où le mois le plus chaud a des températures supérieures à 10 0C.Ainsi défini, ce domaine a une très grande importance. Il est très étendu dans l’hémisphère Nord et presque absent dans l’hémisphère austral. Sur ses marges les moins froides, il englobe des régions de très fort peuplement, appartenant à de grandes puissances mondiales: aux États-Unis, la région des Grands Lacs, le Nord-Est, la Prairie; la partie utile du Canada; l’essentiel de la Russie et la zone peuplée de Sibérie méridionale; le nord et le nord-est (Mandchourie) de la Chine. En même temps, quelques-unes de ces régions sont parmi les plus importantes du monde pour la production de céréales, de maïs et de blé notamment. Les marges les plus froides, cependant, sont des étendues faiblement peuplées, couvertes de l’immense forêt de conifères, connue sous le nom de taïga et où se développent des sols de type podzolique et, très souvent, des tourbières; le sol peut également y demeurer gelé en profondeur durant toute l’année. Les régimes fluviaux sont généralement de type nival ou nivo-pluvial (hautes eaux en été; cf. FLEUVES).2. Répartition d’ensembleLes climats froids se situent approximativement entre les 40e et 65e degrés de latitude nord. Mais ils n’occupent pas toute la zone définie par ces parallèles, puisque celle-ci comprend d’autres climats dans les régions occidentales des continents, notamment entre le 40e et le 55e degré.En Amérique du Nord, une bande d’environ 2 000 km de largeur sépare du Pacifique les climats froids. Elle comprend une mince frange de climats tempérés, ainsi que les bassins intérieurs du système montagneux, aux climats arides froids. En Eurasie, les domaines froids apparaissent progressivement à environ 1 000 km à l’est de l’Atlantique. Ils succèdent aux climats tempérés, puisqu’en Eurasie la disposition du relief est telle qu’il n’y a pas de domaine aride proche des côtes, comme c’est le cas en Amérique.Au nord du 55e degré, cependant, les climats froids atteignent les côtes occidentales des continents, en Scandinavie et en Alaska.Dans la partie orientale des continents, par contre, les climats froids caractérisent les côtes sur de grandes longueurs, du nord de New York jusqu’au nord de Terre-Neuve, et du golfe du Petchili au nord-est de la Sibérie.Dans le centre de l’Eurasie, l’avancée des climats arides vers le nord réduit l’extension des climats froids sur leur marge méridionale.Ainsi, dans les deux grands continents (Amérique et Eurasie), la disposition des aires climatiques est assez dissemblable aux hautes et moyennes latitudes. Cela est dû, en grande partie, au fait que les reliefs nord-sud proches de la mer qui existent en Amérique font défaut en Eurasie.3. Traits généraux des saisonsL’hiverL’hiver est froid, très souvent sec, et dure longtemps. Il reste encore modéré sur les marges méridionales et occidentales du domaine. Ainsi, à Varsovie, la moyenne des températures nocturnes est d’environ 漣 6 0C, les températures diurnes restent très faiblement négatives (face=F0019 漣 1 0C en moyenne). Les moyennes diurnes et nocturnes ne sont négatives que de décembre à février, les températures nocturnes restent au-dessous de 0 0C de novembre à mars seulement. Les conditions empirent rapidement quand on s’éloigne vers le centre des continents et vers le nord. À Kazan (55e degré de latitude nord), les minima de janvier sont d’environ 漣 19 0C, les maxima de 漣 12 0C. Les températures sont négatives de jour comme de nuit, de novembre à mars, celles des nuits le sont d’octobre à avril (fig. 1).Cependant, le froid n’est pas régulier; même au cœur des continents, il y a des sautes de température brutales: on a vu le thermomètre passer en quelques jours de 漣 43 à 漣 3 0C à Yakoutsk (Sibérie orientale, 620 01 de latitude nord). Le type de temps le plus fréquent est caractérisé par un ciel clair et un froid très vif. Mais les jours de grands vents, avec «chasse-neige» important, ne sont pas rares.Sauf exceptions, qui concernent les côtes occidentales et les îles situées en bordure des côtes orientales, l’hiver est assez peu pluvieux. Comme les températures, les précipitations diminuent vers le nord et vers l’intérieur des continents; elles atteignent en moyenne 30 mm à Varsovie en janvier, 22 mm encore à Kazan, et seulement 2 à 4 mm à Yakoutsk. Aussi le manteau neigeux, si caractéristique de ce domaine, est-il assez peu épais sur de grandes étendues. En Sibérie, il atteint couramment 75 cm dans l’Ouest, mais seulement 20 à 30 cm et parfois moins, dans les parties orientales.Les sautes de température et les jours de vent violent sont, d’une manière générale, plus fréquents à l’ouest du domaine, et plus nets en Amérique qu’en Eurasie.Les causes de ces phénomènes sont assez simples. Le rayonnement solaire est extrêmement réduit en hiver au nord du 40e degré, puisque les nuits sont longues et que le Soleil monte peu sur l’horizon pendant la journée. Un faible réchauffement diurne et un important refroidissement nocturne expliquent donc essentiellement l’abaissement de la température. Il n’y a pas, sur les masses continentales, de quantités importantes de chaleur stockée, comme c’est le cas à proximité des océans, et rien ne vient atténuer les effets du refroidissement.En conséquence, la circulation atmosphérique est dominée par des cellules de hautes pressions, elles-mêmes liées à l’existence d’un air froid et dense. Elles sont peu épaisses, mais elles sont suffisantes pour avoir des effets importants. Elles entretiennent des ciels clairs, sous lesquels la radiation nocturne est très active.Elles tiennent à l’écart les perturbations d’ouest, qui pourraient apporter des précipitations et des masses d’air plus chaud en provenance des océans. Ainsi, les cellules anticycloniques, liées au refroidissement de l’air, entretiennent le froid, par un effet de retour très fréquent en climatologie. Le couvert neigeux, qui s’établit à l’automne, renforce aussi le froid et aide à sa persistance: la neige réfléchit une grande partie des rayons solaires, qui ne peuvent donc apporter de chaleur, et, durant la nuit, elle se refroidit par rayonnement vers l’atmosphère plus que ne le ferait un sol déneigé.La faiblesse des précipitations s’explique par un double mécanisme. D’une part, l’air très froid ne se charge que de quantités de vapeur d’eau insignifiantes. D’autre part, les anticyclones empêchent les masses d’air humide en provenance de la mer d’arriver sur les régions considérées et elles bloquent les ascendances qui pourraient conduire à des précipitations.Les sautes de température et les tempêtes s’expliquent par le fait que les anticyclones sont relativement mobiles et changent de force et de position d’un jour à l’autre, surtout en Amérique. La figure 2 a montre une situation où les anticyclones froids sont bien développés sur le continent: il y en a deux, l’un centré sur l’Alaska, l’autre à l’est des Grands Lacs; des précipitations ont lieu seulement au sud de ces cellules; d’autre part, sur le bord oriental de la cellule des Grands Lacs, un courant venant du nord se dirige vers des latitudes plus basses (on sait que dans l’hémisphère Nord, les vents soufflent parallèlement aux isobares, en laissant les hautes pressions sur leur droite; cf. VENTS ET COURANTS-JETS). Aussi les températures sont-elles faibles: maxima de 3 0C à Chicago, et de 漣 3,5 0C à Des Moines; minima de 漣 15 à Chicago, et de 漣 21 0C à Des Moines. Deux jours plus tard, la situation s’est assez considérablement modifiée (fig. 2 b): l’anticyclone de l’Alaska est toujours présent, mais celui des Grands Lacs a cédé la place à une dépression venue du Pacifique. Elle donne naissance à des précipitations neigeuses et à des vents violents, et un courant de sud la contourne sur sa face occidentale. Les températures montrent donc une hausse sensible: les maxima sont de 6 0C à Chicago et de 8 0C à Des Moines, et les minima de 漣 8 et 漣 6 0C respectivement, pour les mêmes stations.Plus on se déplace vers le nord et vers le centre des continents, et moins ces perturbations sont nombreuses. Les anticyclones sont plus persistants, et les jours calmes, secs et très froids plus fréquents.Des perturbations de ce type sont plus nombreuses en Amérique qu’en Eurasie. La première région est en effet largement ouverte vers le sud sur une mer chaude, le golfe du Mexique, et des perturbations très fortes naissent souvent au contact de l’air qui en provient et de l’air continental.Enfin, aux latitudes qui correspondent aux climats froids la circulation atmosphérique se fait en général d’ouest en est. Les marges occidentales des continents sont baignées par de l’air en provenance des océans, donc tiède et humide. Les marges orientales reçoivent, par contre, des masses d’air froid et sec en provenance de l’intérieur des continents. Seules les îles bénéficient de réchauffements et de précipitations liées aux perturbations nées près des côtes, comme celles que l’on voit près de Terre-Neuve sur les figures 2 a, 2 b. Ainsi s’explique une dissymétrie fondamentale, qui consiste en l’absence de climats océaniques tempérés sur les côtes orientales des continents (la présence des courants froids, qu’on évoque souvent, est en fait très secondaire).L’étéL’été est chaud et relativement pluvieux. Les températures diurnes dépassent fréquemment 20 à 22 0C et les nuits, très courtes, sont tièdes, bien que l’amplitude diurne soit souvent un peu plus forte qu’en hiver (fig. 1). La température nocturne se situe autour de 13 0C au nord du domaine, et de 18 0C au sud. Malgré des différences dues à la latitude, l’été est plus uniforme que l’hiver sur l’ensemble des régions affectées par les climats froids. Cependant ces différences, quoique faibles, sont plus significatives, puisqu’une variation de quelques degrés dans les températures ou de quelques jours dans la durée de la période sans gel peut avoir des conséquences considérables du point de vue de la géographie agricole. Les précipitations demeurent, dans l’ensemble, modérées, de 80 à 100 mm sur les marges du domaine, de 40 à 50 mm dans les parties centrales pour le mois le plus arrosé.Le réchauffement s’explique principalement par la vigueur du rayonnement: les jours sont très longs, et le Soleil monte assez haut sur l’horizon. La chaleur ainsi fournie est utilisée pour réchauffer l’air, à défaut d’un stockage en profondeur, comme c’est le cas à proximité des océans. Dès que la neige a fondu, l’échauffement peut être important.Les précipitations plus abondantes sont d’abord une conséquence directe du réchauffement. L’air se charge davantage d’humidité et les lacs, fleuves et marais fournissent une quantité notable de vapeur d’eau, puisque l’évaporation peut être active. Enfin, les masses d’air plus chaudes à la base sont assez instables, et des mouvements ascendants s’y développent facilement.Cependant il est essentiel de tenir compte aussi des effets indirects de l’échauffement. La disparition des cellules anticycloniques hivernales consécutive à l’échauffement (l’air devenant moins dense) conduit à leur remplacement par des aires de basses pressions. Les perturbations d’ouest peuvent alors atteindre le domaine considéré; elles véhiculent des masses d’air humide et provoquent des ascendances qui déclenchent la pluie (fig. 2 c). Il faut noter, cependant, que la vapeur d’eau provient souvent d’autres sources que les océans. En Eurasie, l’humidité venant de l’Atlantique prédomine jusqu’au 100e degré de longitude est seulement: plus à l’est, le Pacifique devient la source dominante. En Amérique, c’est le golfe du Mexique qui fournit l’essentiel de l’humidité.La brièveté des saisons intermédiairesAu printemps et en automne, la variation des éléments climatiques est très brutale, surtout dans les stations où les amplitudes sont importantes. De mars à avril, puis d’avril à mai, les températures montent rapidement; l’hiver se réinstalle aussi très vite, la coupure étant particulièrement nette entre les moyennes d’octobre et celles de novembre. Comme partout – ou presque partout – aux hautes et moyennes latitudes, les mois de printemps et d’automne qui se correspondent du point de vue du cycle solaire sont assez différents entre eux; ainsi, pour mars et octobre, qui présentent des conditions semblables du point de vue du rayonnement par un effet classique d’inertie dans l’évolution des températures, mars est partout beaucoup plus froid qu’octobre.4. Les différents sous-types de climats froidsÉtant donné l’immensité du domaine, il n’est pas étonnant qu’on rencontre une assez grande variété de provinces climatiques.Les marges à étés chauds et hivers modérésL’extension des marges à étés chauds et hivers modérés est réduite, mais leur peuplement dense leur confère une grande importance humaine. Le nord de la Prairie, aux États-Unis, les plaines et bassins des Balkans, la Chine du Nord et du Nord-Est appartiennent à cette subdivision (cf. courbe de Chicago, fig. 1). L’hiver y reste modéré, à cause de la latitude, et les coups de froid alternent avec des temps doux. Bien que les moyennes des minima soient basses, les dégels hivernaux ne sont pas rares. La montée des températures est assez progressive, et l’été est franchement chaud. Il est également arrosé; il existe à cet égard des différences entre le domaine extrême-oriental, où les pluies d’été sont très importantes, et les autres régions du même type, plus sèches, et présentant un net décalage du maximum pluviométrique vers le début de l’été.Les types à étés tièdes et à hivers froidsAu nord du domaine précédent s’étend une bande très vaste, qui comprend encore des régions bien peuplées (sud du Canada, Pologne, Russie d’Europe, Sibérie méridionale), où les conditions empirent progressivement (cf. diagramme de Kazan, fig. 1). Les températures hivernales sont assez nettement négatives pour que la neige tienne au sol pendant plusieurs mois et que les dégels hivernaux soient rares. Plus importante peut-être est la réduction de la durée de l’été: les températures moyennes sont supérieures à 10 0C pendant six mois à Chicago, mais seulement pendant cinq mois à Kazan.Le domaine des types accentuésPlus au nord encore, l’été est très bref (moins de quatre mois supérieurs à 10 0C en moyenne). Au Canada, comme en Scandinavie et en Russie, on rencontre les solitudes de la grande forêt du Nord, hors des régions les plus actives de l’œkoumène, dans un domaine où l’agriculture est difficile, sinon possible. Cette bande présente des différences importantes selon la longitude. Les façades maritimes occidentales, toutes au nord du 60e degré, gardent des traits de modération. Quand on s’éloigne vers l’est, ce type de climat s’étend de plus en plus vers le sud (pour atteindre le 50e degré, au niveau du lac Baïkal). Quant aux parties les plus centrales des continents, elles connaissent le terrible climat hypercontinental, dont Yakoutsk offre un exemple typique. C’est le pays des records de froid sous un ciel bleuté et dans une atmosphère immobile où le moindre bruit s’entend de très loin; c’est aussi celui des étés courts aux précipitations réduites.Ces dures conditions se retrouvent jusque sur les côtes orientales, sauf dans les îles et les péninsules, comme Terre-Neuve, le Kamtchatka et Sakhaline, où les températures sont plus clémentes et les précipitations plus abondantes.
Encyclopédie Universelle. 2012.